Hommages

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Jean-Marc Boucher

Avec le décès subit du Dr Jean-Marc Boucher au printemps 2002, la communauté gériatrique a perdu un de ses plus ardents défenseurs et un de ses membres les plus prolifiques. Le Dr Boucher était réputé pour ses qualités humaines exceptionnelles. Sur le plan académique, il a su accomplir, en quelques années, ce que d'autres font en une carrière complète. Ses intérêts et passions médicaux et paramédicaux étaient divers telles qu'en témoigneront les prochaines lignes.

La carrière scientifique du Dr Boucher débute avec des études en biologie à l'Université Laval à Québec. La diversité de ses intérêts transparaît déjà avec sa participation à un projet de recherche intitulé « Étude de la production primaire des diatomées benthiques en fonction de certaines variables physico-chimiques naturelles dans l'estuaire du fleuve St-Laurent » avec le Groupe Interuniversitaire de Recherche Océanographique du Québec en 1981. S'en suivra la participation aux activités de recherche du laboratoire d'oncologie médicale de l'Hôtel-Dieu de Québec.

Le Dr Boucher complète des études en médecine entreprises à l'Université Laval en 1985 et se dirige après son internat, à Blanc-Sablon sur la Basse Côte-Nord pour y amorcer sa carrière médicale. Il y développe un intérêt marqué pour la gériatrie et devient médecin responsable du Pavillon DG Hodd pour personnes âgées au Centre de Santé de la Basse Côte-Nord. Cet intérêt se consolidera par sa participation à la mise sur pied du service de gériatrie de l'Hôpital Notre-Dame de Montréal en 1988. Il continuera à y exercer activement jusqu'en 1993 où il décide, par curiosité, intérêt et passion (mot qui nous vient continuellement à l'esprit quand on pense à lui et son œuvre) d'entreprendre une résidence en médecine interne visant une surspécialité éventuelle en gériatrie. Puisant ses énergies d'une source apparemment intarissable, il complète avec succès sa résidence en médecine interne et en gériatrie non sans avoir été invité à la « Table d'honneur » du Doyen de la Faculté de Médecine en reconnaissance de l'excellence de ses études en médecine spécialisée. Cette tâche paraît d'autant plus titanesque qu'elle était ponctuée de gardes de fin de semaine régulières à l'urgence de l'Hôpital LeGardeur et de rapatriements de patients avec la Croix Bleue. N'oublions pas son rôle de père de trois enfants, qui deviendront quatre avec la naissance de Patrick en 1999 que son épouse lui avait offert comme cadeau de fin de résidence.

Dès le début de ses études spécialisées, le Dr Boucher élabore un projet de recherche épidémiologique visant l'évaluation du devenir à long terme des personnes âgées après une chirurgie cardiaque. Ce projet lui vaudra, en collaboration, des prix aux Journées Scientifiques de l'Hôpital Notre-Dame de Montréal en 1995, à la Journée de recherche du Département de Médecine de l'Université de Montréal en 1996 et le Prix Roger Dufresne au 12e Congrès de la Société Québécoise de Gériatrie en 1996. Ce travail sera d'ailleurs publié dans le Canadian Journal of Cardiology en 1997. Le Dr Boucher amorcera par la suite une collaboration particulièrement fructueuse avec l'équipe de pharmaco-épidémiologie du Dr Jacques Le Lorier du Centre de Recherche de l'Hôpital Hôtel-Dieu de Montréal. Il s'intéressera spécialement à la pharmaco-épidémiologie en cardiologie et en gériatrie et participera à des projets de recherche sur les effets de l'utilisation antérieure de l'aspirine sur les syndromes coronariens aigus, l'utilisation âge-dépendante de la thrombolyse chez les individus avec infarctus du myocarde, les effets du nouveau régime d'assurance médicament de la RAMQ et l'impact de l'utilisation de la liste de médicaments d'exception en ostéoporose. Tous ces projets seront présentés à des congrès nationaux et internationaux et mèneront éventuellement à des publications dans des revues scientifiques de grande qualité. Notons en passant que ses projets lui vaudront un prix pour la qualité de son travail au 14th International Conference on Pharmacoepidemiology à Berlin en 1998. Cet intérêt pour la recherche en pharmaco-épidémiologie le poussera à entreprendre des études en vue de l'obtention d'une maîtrise en biostatistiques et épidémiologie à l'Université McGill. Cette même université lui décernera d'ailleurs un diplôme posthume à cet effet en mai 2002. Cette passion contagieuse pour la recherche stimulera la supervision de travaux de recherche de résidents en médecine interne et en gériatrie à l'Université de Montréal.

Outre ses intérêts de recherche, le Dr Boucher était aussi un communicateur de grand talent. À la fois vulgarisateur, charismatique et rigoureux, il captivait son auditoire qu'il soit formé de patients, d'étudiants, de résidents ou de collègues. Il a d'ailleurs mis ce talent à l'œuvre par sa participation active à l'enseignement à tous les niveaux de formation à la Faculté de Médecine à l'Université de Montréal et par sa contribution à diverses activités de formation médicale continue.

Sur une note plus personnelle, j'ai eu le plaisir et l'honneur de connaître et de côtoyer le Dr Boucher comme collègue et ami depuis les quelques dernières années. Je retiendrai surtout sa passion contagieuse et inspirante qui faisait de lui la locomotive inébranlable et le « leader » qu'il était, sa générosité sans borne qui était pour lui une façon d'être et de vivre, et sa sagesse souvent surprenante pour un homme de son jeune âge, acquise à travers un vécu façonné d'expériences enrichissantes et variées.

Il nous laisse avec un grand vide que nous réussirons difficilement à combler. Mais, il nous laisse aussi avec un héritage d'une richesse inestimable que nous nous efforcerons de perpétuer en son honneur.

Fadi Massoud, M.D.

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Roland Charbonneau

C'est le 1er juin 1992 que le Docteur Roland Charbonneau prendra sa retraite de l'hôpital Saint-Luc et de la Faculté de Médecine de l'Université de Montréal. Ce personnage important de ces deux institutions, a su, par ses réalisations multiples, forcer l'admiration de chacun d'entre-nous.

Après un cours classique au Collège André Grasset et au Collège Ste-Croix, il préparera un baccalauréat es arts et un doctorat en médecine à l'Université de Montréal, tout en travaillant durant les fins de semaine et les vacances comme chauffeur de taxi. Son diplôme obtenu, il s'installe en pratique générale à Rivière des Prairies, alors une petite municipalité à l'écart de la grande ville, où résident ses grand-parents.

Peu de temps après, il décide de se spécialiser en médecine interne. Ceci le conduira à Paris où il s'initie à la bronchoscopie, puis à Philadelphie où il se spécialise en médecine interne et en broncho-oesophagoscopie. Certifié en médecine interne, puis fellow du Collège Royal, ceci ne lui suffit pas, et il va chercher ces mêmes qualifications en pneumologie en 1965.

Après avoir pratiqué à l'hôpital Maisonneuve Rosemont, il s'installe en 1962 à l'hôpital Saint-Luc où il crée le service de pneumologie dont il restera le chef de service jusqu'en 1977. C'est à cette date qu'à la demande de son doyen le Docteur Bois, encouragé en cela par son épouse la Docteure Monique Krieger, il va chercher une formation en gériatrie à Glasgow, puis à Grenoble et enfin à Genève.

La Faculté de médecine l'envoie ensuite pour un an comme médecin professeur et coordonnateur à Sousse (Tunisie). À son retour, il met sur pied le service de gériatrie à l'hôpital Saint-Luc, unité pilote créée par le Ministère des Affaires Sociales et qui a servi de modèle pour les unités de courte durée gériatrique. Il en sera le chef de service jusqu'en 1992.

Simultanément, il a continuellement cherché à augmenter ses connaissances, en étudiant la gestion hospitalière et la pédagogie médicale.

Professeur à la Faculté de Médecine depuis 1964, il y est professeur Titulaire depuis 1975. Excellent pédagogue, il était apprécié par les étudiants de tous les niveaux, du pré-gradué au post-gradué sans oublier l'Éducation Médicale Continue.

En 1984, il implante le programme de résidence en gériatrie à l'Université de Montréal, programme qui fut agréé par le Collège Royal et reconnu par la Corporation Professionnelle des Médecins du Québec dans le cadre du programme Réseau.

Il fût membre, président, et fondateur de nombreuses associations et sociétés savantes : citons par exemple l'Association des pneumologues de la Province de Québec, la Société de thoracologie du Québec, la Société Canadienne de thoracologie, Canadian Thoracic and Respiratory Disease Association, la Société du Timbre de Noël Inc., l'American College of Chest Physicians, l'Union Médicale du Canada, la Fondation Champlain, l'Association Canadienne de gériatrie, Fondation des diplômés de l'École Polytechnique de Montréal, Bio-médical École Polytechnique de Montréal.

Bien qu'il s'apprête à prendre sa retraite, le Docteur Roland Charbonneau ne pense pas rester inactif : il vient d'accepter un poste de membre du comité d'Allocation du CRSSS, participe au comité de bioéthique de l'hôpital Saint-Luc, donne de nombreux cours de préparation à la retraite et a débuté une autre carrière comme guide officiel de la Ville de Montréal. Ses dons de communicateur, sa verve habituelle, ses connaissances et son enthousiasme, sauront sans nul doute séduire les touristes comme l'ont été auparavant ses étudiants, résidents et collègues en médecine.

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Gérard Cuny

Je l'aimais, je l'estimais, il est mort le 26 décembre dernier à l'âge de 71 ans et j'en éprouve du regret.

À l'automne '85, je débarquais au service de médecine B : service de médecine interne à orientation gériatrique de l'Hôpital Brabois, CHU régional de Nancy dirigé par le professeur Gérard Cuny.

Prévenue par tous les à priori qu'on prête ici à l'enseignement et à la pratique de la médecine française qu'on oppose aux qualités de la formation et de la rigueur scientifique nord-américaine, c'est déterminée que je me présentais à ce service. Je voulais voir des patients et beaucoup, des pathologies et tout cela avec une approche nouvelle. Je m'étais promis de ne pas me laisser embarquer dans une année de tourisme gériatrique. J'avais une année complète à consacrer à ce perfectionnement et c'est à Nancy que cela devait avoir lieu; pour le meilleur ou pour le pire.

Le service comportait 100 lits d'hospitalisation divisés en trois secteurs et 8 lits de soins intensifs supervisés par trois chefs de service (je détenais un de ces postes). Mes partenaires cliniques étaient un gastroentérologue et une cardiologue qui en étaient à plusieurs années post-doctorales, pratiquant en gériatrie en attente de décrocher un poste dans leur discipline respective. Bien vite, j'en suis arrivée à l'évidence que mon apprentissage ne serait appuyé que par le professeur Cuny et les professionnels rattachés au service : infirmiers, internes, étudiants de médecine, neuropsychologue, rééducateur et kinésithérapeute. J'ai passé une excellente année à Nancy et c'est avec beaucoup de nostalgie que j'y retourne en personne ou en pensée.

Gérard Cuny était un homme de petite taille, radieux, animé, connaissant et généreux. Il imposait naturellement le respect. En tournée clinique, il retrouvait toujours l'élément qu'on avait moins bien maîtrisé dans l'évaluation, l'investigation ou la prise en charge d'un malade. Il nous obligeait à réfléchir, à explorer, à nous dépasser mais sans jamais nous déstabiliser ou nous mettre mal à l'aise; ceci toujours au bénéfice du patient. Pour lui, tout était travail et le travail était plaisir.

C'était un homme énergique, sociable, un leader scientifique, engagé dans son travail à l'hôpital, à l'université, au ministère, dans diverses associations professionnelles et de patients.

Il avait un chalet dans les Alpes où il pratiquait l'alpinisme. Il était marié à Élisabeth avec lequel il avait été compagnon dans la résistance. Ensemble, ils avaient mis au monde sept enfants qui leur donneront à leur tour de nombreux petits-enfants.

Chaque année, je lui envoyais une carte à Noël mais pas cette année ... Professeur Claude Jeandel, son successeur à Barbois a écrit tout son parcours professionnel dans la Revue de Gériatrie de février 1997, je vous invite à lire ce texte pour mieux saisir ce personnage!

Pour moi, il fut un modèle de rôle professionnel et humain, un homme à la fois fier et tout simple. En mémoire, il m'apparaît parfois grave mais, le plus souvent souriant avec ce petit air moqueur qui le caractérisait, de celui qui a rencontré maintes fois l'adversité et qui nous dit : «Vous verrez ça ira!»

Pour moi, il fut un modèle de rôle professionnel et humain, un homme à la fois fier et tout simple. En mémoire, il m'apparaît parfois grave mais, le plus souvent souriant avec ce petit air moqueur qui le caractérisait, de celui qui a rencontré maintes fois l'adversité et qui nous dit : «Vous verrez ça ira!»

Marie-Jeanne Kergoat, M.D.
Gériatre
Institut universitaire de gériatrie de Montréal

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Roger Dufresne

Le docteur Roger Dufresne était gastro-entérologue et interniste. Après de brillantes études médicales à l'Université de Montréal, il s'impliquera rapidement dans la vie universitaire devenant professeur agrégé à l'Université de Montréal dès 1945. Il sera professeur titulaire de thérapeutique à partir de 1951 puis vice-doyen de la Faculté de médecine de l'Université de Montréal de 1954 à 1961. Il consacrera une grande partie de sa vie à l'amélioration de la qualité de l'intervention médicale par son implication dans l'enseignement. Il fera partie de nombreux comités de révision de l'enseignement tel que le comité de révision de l'internat de 1954 à 1959, comité d'enseignement médical de 1955 à 1958 et il participera de 1961 à 1962 à la rédaction d'un volume intitulé : « La formation médicale au Canada » en tant que participant au comité de recherche de la Commission Hall. En 1966 et 1967, il participe à une commission nommée par le Gouvernement du Nouveau Brunswick pour faire enquête sur l'enseignement médical dans cette province.

Parallèlement de 1951 à 1963, il s'impliquera dans la qualité de l'intervention thérapeutique médicale. Le titre de professeur titulaire en thérapeutique à partir de 1951 à l'Université de Montréal souligne cet engagement. Il participera au comité de liaison de l'Association médicale canadienne avec l'Association des manufacturiers de produits pharmaceutiques, sera membre du comité aviseur permanent auprès des départements des éléments et drogues à Ottawa, participera à la Commission d'enquête menée par le Collège Royal à la demande du Ministère fédéral de la santé sur les activités du département d'aliments et drogues et sur les législations concernant les nouveaux médicaments.

Il s'impliquera dans la majorité des associations médicales importantes telles le Collège Royal, l'Association Médicale Canadienne, la Corporation Professionnelle du Québec, etc. En 1967, il sera conseiller médical auprès de la Commission Royale d'enquête sur la santé (commission Castonguay).

En 1966, il est nommé directeur de la division médecine sociale de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. À l'Université de Sherbrooke, il assumera un rôle de directeur de l'éducation médicale permanente, directeur du service de santé aux étudiants et présidera en 1973-1974, l'Association Canadienne d'enseignement médical permanente. Il est impliqué dans de nombreux comités nationaux d'évaluation des soins et services, qui se soucient de la qualité et le respect du patient vs les interventions médicales qui sont de plus en plus marquées. De 1973-1976, il devient président du comité d'éthique de la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke. En 1976, il est nommé professeur émérite à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et devient le premier chef du département de médecine gériatrique de l'Hôpital D'Youville. C'est à ce poste qu'il organisera le grand tournant vocationnel de l'Hôpital D'Youville qui passera d'un centre de soins prolongés à celui d'un centre gériatrique intégré. Il organisera les premiers cours de gériatrie à la Faculté de médecine de l'Université de Sherbrooke et proposera les structures de soins qui ont permis à beaucoup d'entre nous de s'impliquer dans la gériatrie estrienne.

En plus de ces implications universitaires et uniques dans la gériatrie québécoise, le docteur Dufresne a été président du comité spécial chargé par la Corporation des Médecins du Québec d'étudier les problèmes de la gériatrie en 1977 et 1978.

Le docteur Roger Dufresne a tracé la voie qui a permis à beaucoup d'entre nous de s'impliquer autant dans l'enseignement, les soins que de la recherche aux personnes âgées. Il a allumé une flamme facultaire qui brûle toujours et qui lui a valu d'être honoré en 1989 par le dévoilement d'une plaque commémorative soulignant l'importance de ses travaux et consacrant la plus importante salle de conférence de l'Hôpital D'Youville salle « Docteur Roger Dufresne ».

C'est en hommage à ces travaux qu'est attribué chaque année, le prix Roger Dufresne. Il est remis, accompagné d'une bourse, au résident(e) ayant proposé la contribution la plus importante pendant le congrès, par un médecin résident, à la gériatrie du Québec.

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